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Le syndrome des antiphospholipides (SAPL) : un diagnostic difficile où clinique et laboratoire sont complémentaires

06-05-2024

Les anticorps antiphospholipides sont des anticorps dirigés contre les phospholipides de la membrane cellulaire ou contre certaines protéines situées sur cette membrane cellulaire (comme la cardiolipine ou la β2-glycoprotéine). Le SAPL est une maladie auto-immune systémique dans laquelle des thromboses artérielles, veineuses ou microvasculaires, des complications de la grossesse et des événements non thrombotiques (problèmes de valves cardiaques, thrombopénie, anémie hémolytique auto-immune, livedo reticularis,...) peuvent survenir en combinaison avec la présence (persistante) d'anticorps antiphospholipides. Le SAP peut survenir aussi bien sans souffrance sous-jacente (SAP primaire) que secondairement à une autre maladie auto-immune, telle que le lupus érythomateux disséminé (LED) ou la polyarthrite rhumatoïde (PR).

Qui tester ?

Le tableau typique est celui d'une thrombose artérielle ou veineuse (spontanée) (parfois sur un site inhabituel, par exemple un membre supérieur ou un cerveau) chez une personne jeune (<50 ans), avec ou sans allongement (paradoxal) du temps de céphaline (voir ci-dessous). Cette maladie (comme de nombreuses maladies auto-immunes) est plus fréquente chez les jeunes femmes, et est également plus fréquente si une autre maladie auto-immune est déjà présente (comme le LED ou la PR). Elle doit également être envisagée en cas de complications de la grossesse (voir ci-dessous) ou de thromboses récurrentes sans cause évidente.

Diagnostic

Des critères détaillés et complexes ont récemment été élaborés pour diagnostiquer et classer le SAPL (Barbhaiya M et al. 2023 ACR/EULAR antiphospholipid syndrome classification criteria). Une version condensée est présentée ci-dessous. En résumé : Le SAPL peut être diagnostiqué si au moins un critère clinique et un critère de laboratoire sont remplis.

Critères cliniques :

  1. Thrombose vasculaire (veineuse ou artérielle), confirmée objectivement par imagerie, telle que l'échographie, ou par examen histologique (ne montrant aucun signe d'inflammation dans la paroi du vaisseau), à l'exception des thrombophlébites superficielles, pour lesquelles aucune autre cause évidente (par exemple, repos au lit après une fracture chez une femme fumeuse sous contraception orale) ne peut être écartée.
  2. Complications de la grossesse (SPA obstétrique)
    1. Un décès inexpliqué d'un fœtus morphologiquement normal après 10 semaines d'âge gestationnel.
    2. Une naissance prématurée d'un nouveau-né morphologiquement normal avant 34 semaines de gestation en raison d'une pré-éclampsie sévère ou d'une insuffisance placentaire sévère.
    3. ≥3 fausses couches spontanées consécutives avant la 10e semaine de gestation (après exclusion des anomalies anatomiques ou hormonales maternelles et des anomalies chromosomiques paternelles et maternelles).

Critères de laboratoire :

Présence d'anticorps antiphospholipides à ≥2 moments, avec un intervalle d'au moins ≥3 mois (car ces anticorps peuvent apparaître de manière transitoire, par exemple en raison d'une inflammation). Il existe différents types d'anticorps :

  • Anticorps anti-cardiolipine IgG et/ou IgM
    ET/OU
  • Anticorps anti-bêta 2 glycoprotéine-I IgG et/ou IgM
    ET/OU
  • Anticoagulant lupique, démontré par des tests spéciaux tels que le « Diluted Russel Viper Venom Test ratio » ou le « APTT Lupus Ratio » (Devreese et al. JT&H 2020)
    • Notez que ces anticorps sont nommés d'après la première maladie dans laquelle ils ont souvent été trouvés (SLE ou lupus), mais qu'ils peuvent tout aussi bien se manifester en l'absence de SLE.
    • Ce sont ces anticorps qui in vitro donnent lieu à un retard de coagulation (allongement du TCA), mais in vivo ils donnent lieu à des thromboses (comme les autres anticorps antiphospholipides) !

Thérapie

Chez les patients souffrant de thrombose veineuse et de SAP, on opte pour un traitement à vie avec un antagoniste de la vitamine K (intensité thérapeutique normale, INR 2,0-3,0 pour une première thrombose, en cas de récidive, on vise un INR entre 2,5 et 3,5).

Chez les patients souffrant de thrombose artérielle et de SGA, le traitement par un antagoniste de la vitamine K (INR cible 2,0-3,0) est aussi efficace que le clopidogrel. En cas de thrombose artérielle récurrente sous clopidogrel, il est recommandé de passer à un antagoniste de la vitamine K (INR cible 2,0-3,0).

Chez les patientes présentant des complications de grossesse et un SAPL (SAPL obstétrique), le traitement dépend de l'existence d'un nouveau souhait de grossesse et de la survenue d'une thrombose veineuse ou artérielle en plus des complications de grossesse :

  • Pas de nouvelle grossesse : aucun traitement anticoagulant n'est nécessaire (mais une prophylaxie est recommandée dans les situations à haut risque telles que la chirurgie).
  • Nouvelle grossesse :
    • Pas d'antécédents de thrombose :
      • Aspirine à faible dose (1x/jour 80mg) jusqu'à la 36ème semaine de grossesse
      • HBPM à dose prophylactique jusqu'à 6 semaines après l'accouchement
    • Antécédents de thrombose
      • Aspirine à faible dose (1x/jour 80mg) jusqu'à la 36ème semaine de grossesse
      • HBPM à dose thérapeutique (surveillance par le taux d'anti-Xa) jusqu'à 6 semaines après l'accouchement

A noter que l'utilisation des DOAC n'est pas recommandée chez les patientes présentant un SAPL (risque de thrombose récurrente plus élevé qu'avec les AVK).

Ce qu'il faut retenir

En cas de suspicion clinique d'un SAPL, il convient de demander un laboratoire complet comprenant les anticorps anticardiolipine (G/M), les anticorps anti-β2-glycoprotéine I (G/M) et la détection de l'anticoagulant lupique. En cas de résultat positif, l'analyse doit être répétée après 3 mois pour exclure une présence transitoire.